En cas de période économique difficile, même l'entreprise la mieux gérée, peut se retrouver confrontée à des tensions de trésorerie, à des conflits internes ou à des retards de paiement critiques. Pour prévenir les difficultés avant qu'elles ne se transforment en crise irréversible, le droit français offre une panoplie de dispositifs, dont le plus méconnu, mais particulièrement utile, est le mandat ad hoc.

Peu connu du grand public, ce mécanisme confidentiel permet au dirigeant de solliciter une aide extérieure, sans pour autant céder les rênes de son entreprise ni enclencher une procédure collective. Il s’agit d’un outil souple, personnalisé et adapté à des situations variées. Alors que les tribunaux enregistrent chaque année plusieurs centaines de demandes, le mandat ad hoc s'impose comme une réponse efficace, notamment dans les cas de conflits entre associés, de tensions avec les créanciers ou de besoin urgent de restructuration.

Ce guide propose une exploration complète de ce dispositif préventif, en présentant ses fondements juridiques, ses modalités de mise en œuvre, ses bénéficiaires, ses avantages et ses limites. Nous le comparerons également à la procédure de conciliation, souvent plus connue, mais régie par des logiques différentes. Enfin, des cas pratiques illustreront la portée concrète de ce recours confidentiel.

Fondements du mandat ad hoc

Le mandat ad hoc est prévu par les articles L.611-3 et suivant du Code de commerce. Il fait partie des procédures dites « préventives », à l'inverse des procédures collectives, comme la sauvegarde ou le redressement judiciaire.

Sa vocation est d’intervenir en amont de la cessation de paiements, dans une logique de traitement amiable des difficultés. C'est une démarche volontaire, à l’initiative du dirigeant, sans caractère contentieux.Instauré dans les années 1980, ce dispositif a été remanié par la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, puis consolidé par le décret n°2009-160 du 12 février 2009.

Mandat ad hoc

Il est aujourd'hui couramment utilisé, bien que souvent dans la discrétion. Selon les données du CNAJMJ (Conseil National des Administrateurs Judiciaires et Mandataires Judiciaires), plus de 850 mandats ad hoc ont été ouverts au cours du premier trimestre 2025, un chiffre en légère hausse par rapport à la même période de l'année précédente.

Il s'inscrit dans une stratégie plus large de prévention, dans laquelle l’État encourage les entreprises à traiter les signes avant-coureurs de difficultés avant que la défaillance ne soit irréversible. Dans cette logique, des structures comme les tribunaux de commerce, les Chambres de commerce et d'industrie ou encore la BPI jouent un rôle de sensibilisation accru.

📌 Mandat ad hoc

Le mandat ad hoc est une solution confidentielle qui permet à un dirigeant de se faire accompagner par un expert pour anticiper ou résoudre des difficultés, sans passer par la justice. Il n’y a ni publicité ni perte de contrôle : le chef d’entreprise reste aux commandes. Le mandataire facilite les négociations avec les créanciers, les partenaires ou les associés, dans un cadre souple et sur mesure. C’est un outil préventif, discret et efficace pour éviter que les tensions ne dégénèrent en crise.

A qui s'adresse le mandat ad hoc ?

Procédure de mandat ad hoc

Le mandat ad hoc est accessible à une très grande variété d’acteurs économiques. Peuvent y recourir les sociétés commerciales, les entreprises artisanales, les professions libérales, les associations exerçant une activité économique, ainsi que les micro-entrepreneurs. Aucune condition de chiffre d'affaires ou de taille n'est exigée.

La seule condition impérative : l’entreprise ne doit pas être en état de cessation des paiements.

Cette notion, juridiquement définie, correspond à l'impossibilité pour l'entreprise de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.

Le mandat ad hoc peut être envisagé dans une grande diversité de contextes :

  • Difficultés financières liées à des retards de paiement clients,
  • Problèmes avec un bailleur, une banque ou un fournisseur stratégique,
  • Conflits entre associés menaçant la continuité de l'exploitation,
  • Projets de restructuration nécessitant une assistance externe.

Il s’agit donc d’un outil à mobiliser en amont, dans une logique de détection et de prévention.

A qui s'adresse le mandat ad hoc ?
Bon à savoir Que signifie “ad hoc” ? Le terme ad hoc vient du latin et signifie littéralement « pour cela » ou « en vue de cela ». Il désigne quelque chose de spécialement conçu pour une situation précise. Dans le cadre du mandat ad hoc, cela reflète le caractère sur-mesure de la procédure : le mandataire est nommé pour traiter une situation particulière, avec une mission définie selon les besoins de l’entreprise.

Dans quels cas est-il conseillé d'utiliser un mandat ad hoc ?

Voici quelques situations où un mandat ad hoc peut être particulièrement utile pour un dirigeant :

  • Prévention des difficultés financières : Lorsque l’entreprise commence à avoir des tensions de trésorerie, mais qu’elle est encore "sauvable" sans passer par une procédure judiciaire lourde.
  • Négociation avec les créanciers : Si des discussions avec les banques ou fournisseurs deviennent complexes et qu’un tiers neutre peut faciliter les accords.
  • Anticipation d’un contentieux : Pour éviter qu’un conflit ne dégénère en procédure judiciaire, le mandataire peut jouer un rôle de médiation.
  • Préservation de l’image de l’entreprise : Le caractère confidentiel du mandat protège la réputation auprès des partenaires, clients et salariés.

C’est une démarche souple, discrète et stratégique, souvent méconnue, mais redoutablement efficace quand elle est utilisée à temps.

Bon à savoir Elle n’est pas enseignée… mais elle sauve des entreprises Le mandat ad hoc est rarement abordé dans les formations de gestion ou de droit, et pourtant, c’est souvent le premier filet de sécurité quand une entreprise vacille. Ironie du sort : beaucoup de dirigeants ne le découvrent qu’en parlant à leur avocat… ou trop tard.

Comment démarrer une procédure de mandat ad hoc ?

Le mandat ad hoc repose sur une logique de volontariat : seul le dirigeant de l’entreprise peut en faire la demande. À ce titre, aucun créancier ni aucune institution ne peut l’imposer. Pour initier la procédure, le chef d’entreprise adresse une requête écrite au président du tribunal compétent, tribunal de commerce pour les sociétés commerciales ou tribunal judiciaire pour les autres structures.

Cette requête, relativement simple, est accompagnée de documents permettant d’apprécier la situation de l’entreprise : états financiers récents, plan de trésorerie, relevé des dettes et créances, éléments de contexte justifiant la demande. Contrairement à d'autres procédures, le formalisme est réduit : le mandat ad hoc ne fait pas l’objet d’une publication légale et reste donc entièrement confidentiel.

Une fois la requête déposée, le président du tribunal convoque le dirigeant pour un entretien. Cet échange, confidentiel et non contradictoire, permet de cerner la nature des difficultés et d’évaluer la pertinence du recours au mandat ad hoc. Si la demande est jugée fondée, le président nomme un mandataire ad hoc par voie d’ordonnance.

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Bon à retenir Il est recommandé d’être assisté par un avocat ou un expert-comptable lors de la constitution du dossier. Une présentation claire des enjeux et une stratégie de sortie sont des éléments fortement appréciés par le tribunal.

Désignation du mandataire et modalités pratiques

Le mandataire ad hoc est généralement un administrateur judiciaire inscrit sur la liste des professionnels agréés, mais il peut aussi s’agir d’un mandataire judiciaire, d’un expert-comptable ou d’un ancien magistrat, dès lors qu’il présente les compétences et l’indépendance nécessaires.

L’ordonnance de désignation fixe les contours précis de sa mission : durée d’intervention (souvent trois mois renouvelables), objectifs poursuivis, modalités d’intervention, et rémunération. Cette dernière est librement déterminée, mais doit rester proportionnée à la complexité du dossier. Dans certains cas, elle peut être négociée avec l’entreprise.

Le mandataire intervient ensuite dans l’entreprise sans s’y substituer : il n’a aucun pouvoir de gestion ni d’administration. Son rôle est d’assister le dirigeant, de formuler des recommandations, et de faciliter les négociations amiables avec les créanciers ou partenaires.

La confidentialité absolue de la procédure protège la réputation de l’entreprise, qui peut mener ces négociations sans alerter ses clients, fournisseurs ou salariés. En effet, le mandataire ad hoc agit dans le strict respect de la confidentialité.

Toutes les informations transmises dans le cadre de sa mission sont protégées : aucune donnée concernant la situation de l’entreprise ne peut être divulguée à des tiers. Cette discrétion est essentielle pour préserver la réputation de l’entreprise et favoriser des échanges sereins avec ses partenaires.

Bon à savoir Le mandataire peut organiser des réunions avec les parties prenantes (créanciers, représentants légaux) pour accompagner les négociations, mais n’impose pas de décision : son rôle est consultatif. Le mandat ad hoc ne donne pas au mandataire le pouvoir de suspendre ou contraindre les créanciers. Son efficacité repose sur la capacité à bâtir un accord amiable.

Comment se déroule le mandat ad hoc ?

Une fois nommé, le mandataire commence par établir un diagnostic précis de la situation de l’entreprise. Ce travail est mené en étroite collaboration avec le dirigeant et s’appuie sur l’analyse des comptes, de la trésorerie, de la structure des dettes et des relations contractuelles en cours.

Sur cette base, un plan d’action est esquissé : il peut s’agir de renégocier des échéances de prêts bancaires, d’obtenir un étalement des dettes fournisseurs, de trouver un terrain d’entente avec un bailleur commercial, ou encore de régler des tensions internes entre associés.

Le mandataire joue un rôle d’intermédiaire impartial, souvent plus audible qu’un dirigeant isolé. Il participe aux rendez-vous avec les partenaires, établit des propositions concrètes, et veille à l’équilibre des engagements. Toutefois, il ne peut pas imposer un accord : tout repose sur la volonté des parties.

La procédure n’est encadrée par aucun délai fixe. En pratique, la mission est renouvelée par périodes de 3 mois, jusqu’à résolution des difficultés ou bascule vers une autre procédure, comme la conciliation ou la sauvegarde. À tout moment, le dirigeant peut mettre fin au mandat.

L’un des atouts majeurs du dispositif réside dans sa souplesse : chaque mission est construite sur mesure, en fonction des problématiques spécifiques de l’entreprise.

Comment se déroule le mandat ad hoc ?
Bon à savoir Une procédure “sur-mesure”, au sens propre Le mot “ad hoc” en latin signifie “conçu spécialement pour cela”. On ne pouvait pas mieux nommer une procédure à géométrie variable, sans durée légale, sans format obligatoire, sans plan type. On dirait presque un meuble IKEA sans notice.

Comparaison avec la procédure de conciliation

Le mandat ad hoc et la conciliation sont deux procédures préventives apparentées, mais distinctes. Elles poursuivent des objectifs proches, tout en présentant des différences notables.

Points communs :
  • Ce sont des procédures confidentielles, non judiciaires, initiées par le dirigeant.
  • Elles visent un traitement amiable des difficultés, en dehors de toute cessation de paiements.
  • Elles mobilisent un professionnel tiers (mandataire ou conciliateur) pour assister le chef d’entreprise.
Différences clés :
  • Cessation de paiements : le mandat ad hoc n’est possible qu’en l’absence de cessation de paiements, tandis que la conciliation peut être ouverte si cette situation date de moins de 45 jours.
  • Durée : la conciliation est limitée à quatre mois renouvelable une fois pour un mois supplémentaire, alors que le mandat ad hoc n’a pas de durée maximale légale.
  • Homologation : un accord issu de la conciliation peut être homologué par le tribunal, ce qui lui confère une force exécutoire. Ce n’est pas le cas dans le cadre du mandat ad hoc.
  • Effet sur les poursuites : l’homologation d’un accord de conciliation peut suspendre les actions en justice, contrairement au mandat ad hoc, qui reste dénué d’effet sur les poursuites.

Le choix entre mandat ad hoc et conciliation dépend donc de la situation de l’entreprise et du type de résolution recherché. Le premier privilégie la discrétion et la souplesse ; le second offre un encadrement plus structuré, avec un effet potentiellement contraignant.

Bien qu’ils soient tous deux des dispositifs amiables et confidentiels, plusieurs différences les distinguent, voici le tableau des comparaisons entre le Mandat ad hoc et la conciliation :

Critère Mandat ad hoc Conciliation
Ouverture Si l’entreprise n’est pas en cessation de paiements Acceptée si la cessation de paiements date de moins de 45 jours
Durée Aucune limite légale (renouvelable) 4 mois + 1 mois maximum
Effet sur les poursuites Aucun Possible suspension en cas d’homologation
Homologation d’accord Non prévue Oui, possible par le tribunal
Contraintes sur les créanciers Nulle Accords homologués peuvent s’imposer

Pour résumer, le mandat ad hoc est idéal en phase très précoce, pour des situations souples et discrètes, la conciliation convient davantage quand une structure plus formelle est nécessaire.

Bon à savoir Mandat ad hoc et rumeurs de marché : l’arme anti-panique Un mandat ad hoc bien mené peut éviter une fuite médiatique ou une perte de confiance brutale des partenaires. Dans certains cas, c’est ce qui a évité la chute en bourse de sociétés cotées, sans que personne n’en sache jamais rien. C’est l’antidote à la “rumeur tueuse”.

Les avantages et limites du mandat ad hoc

Le mandat ad hoc présente plusieurs avantages notables :

  • Confidentialité absolue : aucun tiers n’est informé de la procédure, ce qui préserve l’image de l’entreprise.
  • Souplesse de fonctionnement : le contenu de la mission est sur-mesure et le calendrier adaptable.
  • Coût maîtrisé : les honoraires sont négociés à l’avance et restent encadrés.
  • Maintien du pouvoir de décision : le dirigeant conserve l’entière maîtrise de la gestion, sans ingérence.
  • Absence de formalisme excessif : pas d’obligation de publication, de plan homologué ou de comptes à déposer.

Mais le dispositif n’est pas sans limites. Le mandat ad hoc, bien qu’efficace et confidentiel, présente quelques limites importantes :

  • Aucune contrainte sur les créanciers : ceux-ci ne sont pas tenus d’accepter les propositions. Les parties sont libres de refuser toute proposition, ce qui peut bloquer les négociations.
  • Aucune suspension des poursuites : contrairement à certaines procédures collectives, les actions en justice peuvent se poursuivre.
  • Pas d’homologation judiciaire : contrairement à la conciliation, les accords trouvés ne bénéficient pas d’une force exécutoire automatique.
  • Pas de garantie d’issue : si aucun accord n’est trouvé, l’entreprise peut devoir recourir à une autre procédure, plus lourde.
  • Risque d’inertie : certains dossiers peuvent s’éterniser, faute d’accord ou de décision tranchée.
  • Efficacité conditionnée à la volonté de dialogue : si les partenaires sont fermés à la discussion, la mission du mandataire devient inefficace.
  • Coût à anticiper : bien que raisonnable, la rémunération du mandataire reste à la charge de l’entreprise.
Bon à savoir Le mandat “secret défense” du droit des affaires Le mandat ad hoc est si discret que certaines entreprises y ont recours… sans même en parler à leurs salariés ou à leurs associés minoritaires ! Une procédure 100 % confidentielle, sans publication, ni inscription au greffe. Même les concurrents n’en sauront jamais rien. C’est un peu le James Bond du droit des entreprises.

Affacturage et mandat ad hoc : une combinaison stratégique pour la trésorerie

Dans le cadre d’un mandat ad hoc, l’un des leviers les plus efficaces pour redonner de l’oxygène à la trésorerie d’une entreprise est l’affacturage. Ce mécanisme financier, souvent sous-estimé, consiste à céder ses créances clients à un factor (établissement spécialisé), en échange d’une avance immédiate sur le montant des factures. Il permet ainsi à l’entreprise de ne plus subir les délais de paiement, qui peuvent atteindre 60, 90 voire 120 jours dans certains secteurs. Dans une démarche de prévention, comme celle du mandat ad hoc, cette solution prend tout son sens, car elle permet de stabiliser rapidement la trésorerie, sans avoir recours à un endettement bancaire classique.

Le mandataire ad hoc, bien qu’il n’ait aucun pouvoir de décision sur la gestion de l’entreprise, peut jouer un rôle décisif dans la mise en œuvre d’un contrat d’affacturage. Grâce à sa connaissance des offres du marché et à sa position de tiers de confiance, il peut recommander des partenaires fiables, analyser les conditions contractuelles et vérifier que cette solution s’intègre bien dans le plan de redressement global. Par ailleurs, l’affacturage peut être utilisé de manière ciblée : sur certains clients, certaines typologies de factures, ou sur une période donnée. Cette flexibilité en fait un outil particulièrement adapté aux entreprises qui ont besoin de solutions sur mesure, souvent en urgence.

Autre avantage : l’affacturage peut également servir d’argument dans les négociations menées avec les créanciers pendant le mandat. Une entreprise qui démontre qu’elle sécurise ses encaissements inspire davantage confiance et montre qu’elle prend en main sa situation. Le factor, en rachetant les créances, devient un acteur indirect du redressement, en réduisant les incertitudes sur la trésorerie future. Cette visibilité retrouvée est souvent déterminante pour obtenir des moratoires, des rééchelonnements ou éviter des procédures contentieuses.

Enfin, il faut souligner que l’affacturage est parfois la seule solution accessible à des entreprises fragilisées, qui ne peuvent plus obtenir de découvert ou de ligne de crédit classique. Certains factors spécialisés acceptent d’intervenir même dans des contextes difficiles, en analysant la qualité des factures plus que la solidité financière de l’entreprise. Dans le cadre d’un mandat ad hoc, cette approche est précieuse, car elle permet d’agir vite, sans attendre un bilan ou une restructuration complète.

En conclusion, affacturage et mandat ad hoc forment un tandem redoutablement efficace. Le premier apporte des liquidités concrètes, immédiates et récurrentes ; le second encadre les négociations, rassure les partenaires et évite l’escalade judiciaire. Ensemble, ils offrent une voie de redressement douce, réactive et maîtrisée, que de plus en plus d’entreprises adoptent pour franchir des périodes délicates sans bruit et sans dommage durable.

Cas pratiques et illustrations concrètes

De nombreux cas d’usage illustrent la pertinence du mandat ad hoc. Par exemple, une PME industrielle confrontée à un litige avec son principal fournisseur a pu, grâce à l’intervention d’un mandataire, renouer le dialogue et trouver un terrain d’entente évitant une rupture d’approvisionnement.

Dans un autre cas, un restaurateur parisien, accablé par les retards de règlement de plusieurs plateformes de livraison, a obtenu par cette voie un étalement de dettes sociales et fiscales tout en préservant sa crédibilité commerciale.

Par ailleurs, certaines entreprises familiales en proie à des conflits d’associés ont utilisé le mandat ad hoc pour organiser une sortie de crise discrète, par voie de rachat de parts ou de réorganisation capitalistique.

Ces situations concrètes montrent combien le dispositif peut s’adapter à des réalités très différentes, tant sur le plan financier que relationnel.

Bon à savoir Il n’est jamais trop tôt pour un mandat ad hoc Certains mandats sont ouverts alors que l’entreprise va encore très bien sur le papier. L’objectif ? Anticiper un conflit latent, un besoin de restructuration, une échéance bancaire à risque. Bref, un peu comme aller chez le kiné avant de se faire mal au dos. Plus la demande intervient tôt, plus les marges de négociation sont grandes. Ne pas attendre que les créanciers prennent l’initiative !

Que se passe-t-il à l'issue de la procédure de mandat ad hoc ?

À l’issue d’un mandat ad hoc, plusieurs scénarios sont possibles, en fonction des résultats obtenus et de l’évolution de la situation de l’entreprise :

1. Issue favorable : résolution amiable des difficultés

C’est l’objectif principal de la procédure. Si les négociations menées par le mandataire aboutissent à des accords avec les créanciers, les partenaires ou les associés, l’entreprise sort renforcée, sans publicité ni procédure judiciaire. Les accords peuvent porter sur :

  • un rééchelonnement de dettes,
  • des reports d’échéances fiscales ou sociales,
  • une révision de contrats bancaires,
  • la sortie d’un associé ou la réorganisation de la gouvernance.

L’entreprise continue alors son activité normalement. Le mandat prend fin naturellement, sans formalité, une fois la mission achevée.

2. Issue partielle : des avancées, mais pas de solution globale

Parfois, la mission du mandataire permet de résoudre certains points de blocage, sans parvenir à une solution complète. Cela peut suffire à redonner un peu de souffle à l’entreprise, mais ne garantit pas sa stabilité à long terme.

Le dirigeant peut alors :

  • soit renouveler le mandat si le tribunal l’autorise,
  • soit envisager une autre procédure amiable (comme la conciliation),
  • soit attendre que la situation évolue (entrée d’un investisseur, reprise d’activité…).

3. Issue défavorable : basculement vers une procédure collective

Si le mandat ad hoc n’a pas permis de rétablir la situation et que l’entreprise tombe en cessation de paiements, le dirigeant devra envisager une autre voie, souvent plus contraignante :

  • la conciliation, si la cessation de paiements est récente (moins de 45 jours),
  • la sauvegarde judiciaire, si des perspectives de redressement existent,
  • le redressement judiciaire,
  • ou, en dernier recours, la liquidation judiciaire.

Dans ce cas, le mandat ad hoc prend fin, et une nouvelle procédure judiciaire est engagée, avec des effets juridiques beaucoup plus structurants.

Bon à savoir
  • Le mandataire remet parfois un rapport final au président du tribunal, surtout si le mandat est prolongé ou en cas d’échec notable.
  • Il n’y a aucune obligation de publication de l’issue du mandat, ce qui garantit la confidentialité jusqu’au bout, même si aucun accord n’est trouvé.

Quels autres outils existent pour gérer des crises en entreprise ?

Il existe plusieurs dispositifs qui permettent à un dirigeant de naviguer à travers les zones de turbulence sans forcément aller jusqu’à la liquidation judiciaire. Voici un aperçu des principales options : :

  • Mandat ad hoc et conciliation : solutions confidentielles et non contraignantes. La conciliation est recommandée en cas de tensions déjà existantes avec les créanciers.
  • Procédure de sauvegarde : plus encadrée juridiquement, elle est adaptée si les difficultés sont sérieuses mais que l’entreprise n’est pas encore en cessation des paiements. Gèle les dettes, évite la cessation des paiements et permet de restructurer sans perdre la main sur l’entreprise.
  • Redressement judiciaire : pour les situations critiques. Permet de poursuivre l’activité, étaler les dettes et rechercher une pérennisation.
  • Médiation interne ou externe : pour régler les conflits humains ou organisationnels qui mettent en péril la cohésion de l’équipe.
  • Audit de crise ou accompagnement stratégique : intervention d’un regard externe pour apporter clarté, objectivité et plan de relance.
  • Procédure de rétablissement professionnel : pour les entrepreneurs individuels sans salarié. Permet un effacement des dettes sans liquidation classique.
  • Mandat de protection des actifs : anticipation d’une crise pour protéger les biens personnels du dirigeant en cas de faillite.
  • Outils numériques de pilotage : logiciels dédiés à la gestion de trésorerie, la simulation budgétaire et l’analyse de stress financier.
  • Coaching de crise : accompagnement individuel du dirigeant pour garder le cap et surmonter la pression dans les moments critiques.
  • Réorganisation préventive : actions de restructuration interne avant que la situation ne s’aggrave.

Ces outils peuvent être combinés selon la gravité de la situation et les objectifs du dirigeant. Une bonne anticipation permet souvent d’éviter le pire.

Tableau comparatif des outils de gestion de crise en entreprise

Outil Nature Moment d’usage Avantages Contrainte
Mandat ad hoc Préventif, confidentiel Dès les premières tensions Souplesse, discrétion, dialogue Aucune contrainte
Conciliation Préventif, confidentiel Tensions avec créanciers Accords amiables Légèrement encadrée
Sauvegarde Judiciaire, publique Avant cessation des paiements Gel des dettes, restructuration Encadrement juridique
Redressement judiciaire Judiciaire, publique Après cessation des paiements Poursuite de l’activité Forte contrainte
Médiation Relationnel Conflit humain ou organisationnel Dialogue restauré Aucune contrainte
Audit stratégique Consultatif Période de doute ou instabilité Vision neutre, recommandations Libre d’application
Procédure de rétablissement professionnel Judiciaire, simplifiée Pour entrepreneurs individuels sans salarié Effacement des dettes sans liquidation classique Soumise à des critères stricts
Mandat de protection des actifs Préventif, patrimonial Avant une crise potentielle Protection des biens personnels du dirigeant Volontaire, encadrement juridique léger
Outils numériques de pilotage Technologique, opérationnel En continu ou en situation tendue Visibilité accrue, décisions éclairées Libre usage, dépend de la qualité des données
Coaching de crise Humain, personnalisé Durant une période critique Soutien du dirigeant, prise de recul Aucune contrainte, volontaire
Réorganisation préventive Stratégique, interne Avant dégradation significative Anticipation des blocages, adaptation Volontaire, modulable selon la structure

Conclusion

Le mandat ad hoc s’impose comme un outil stratégique de prévention des difficultés d’entreprise. Par sa souplesse, sa discrétion et sa capacité d’adaptation, il offre une alternative crédible aux procédures plus formelles et souvent stigmatisantes.

Encore trop peu connu, il mérite d’être mieux diffusé auprès des dirigeants, des experts-comptables et des conseils habituels des entreprises. Dans un contexte économique incertain, marqué par l’instabilité des marchés, la montée des tensions géopolitiques et les aléas de la trésorerie, la capacité à anticiper les difficultés devient une compétence de survie.

Faire appel à un mandat ad hoc n’est pas un aveu d’échec : c’est au contraire un acte de lucidité et de responsabilité. À l’image de la médecine préventive, il permet d’agir avant que les symptômes ne deviennent ingérables. Pour beaucoup d’entreprises, il peut représenter le premier pas vers un redressement durable et silencieux.

FAQ : tout savoir sur le mandat ad hoc

🟨 Qu’est-ce qu’un accord dans le cadre d’un mandat ad hoc ?

👉 Un accord mandat ad hoc est une entente conclue à l’amiable entre l’entreprise et ses partenaires (créanciers, bailleurs, fournisseurs, associés...) avec l’aide du mandataire.

Cet accord peut concerner :

  • Un rééchelonnement des dettes,
  • Une réduction des loyers ou une suspension de charges,
  • Une restructuration de dettes bancaires,
  • Un accord de sortie de conflit entre associés.

Important : cet accord n’a pas de valeur juridique contraignante, sauf s’il est formalisé par un contrat signé par les parties. Il repose donc uniquement sur la confiance et l’engagement volontaire de chacun.

🟨 Le mandat ad hoc peut-il être sollicité plusieurs fois par la même entreprise ?

👉 Oui, une entreprise peut solliciter plusieurs mandats ad hoc au cours de son existence, à condition de ne pas être en cessation des paiements. Chaque mandat est indépendant et peut répondre à une problématique différente (conflit d’associés, tension bancaire, restructuration...).

🟨 Le mandat ad hoc s’applique-t-il aux groupes d’entreprises ?

👉 Oui, le dispositif peut être adapté aux groupes ou filiales confrontés à des difficultés spécifiques, mais il est souvent recommandé de déposer une demande par entité juridique. Toutefois, un seul mandataire peut être désigné pour coordonner les négociations à l’échelle du groupe.

🟨 Puis-je changer de mandataire en cours de procédure ?

👉 En théorie, oui, mais cela reste rare. Le dirigeant peut demander la révocation du mandataire pour motif légitime (conflit d’intérêt, désaccord profond...), mais cette décision reste à l’appréciation du président du tribunal.

🟨 Les banques sont-elles tenues de coopérer dans le cadre d’un mandat ad hoc ?

👉 Non, le mandat ad hoc repose exclusivement sur la bonne volonté des parties. Les créanciers (y compris les banques) ne sont pas contraints d’accepter les propositions. Cependant, la présence d’un mandataire facilite souvent le dialogue et la recherche de compromis.

🟨 Le mandat ad hoc est-il compatible avec une procédure de médiation du crédit ?

👉 Oui, les deux dispositifs peuvent être complémentaires. Un dirigeant peut, par exemple, engager une médiation du crédit avec la Banque de France pour résoudre un conflit bancaire, tout en étant accompagné d’un mandataire ad hoc pour gérer d’autres aspects des difficultés.

🟨 Y a-t-il un risque que le mandat ad hoc devienne public ?

👉 Non, sauf cas très exceptionnels. La confidentialité est l’un des piliers du mandat ad hoc. Aucune publicité légale n’est exigée, aucun jugement n’est rendu publiquement, et les parties externes ne sont pas informées (ni salariés, ni fournisseurs, ni clients...).

🟨 Quelle est la différence entre un mandataire ad hoc et un administrateur judiciaire ?

👉 Le mandataire ad hoc est désigné pour une mission amiable, de conseil et de facilitation. L’administrateur judiciaire, lui, intervient dans les procédures collectives (sauvegarde, redressement, liquidation) avec un rôle beaucoup plus intrusif, voire décisionnaire.

🟨 Le mandat ad hoc est-il adapté aux entreprises innovantes ou start-ups ?

👉 Oui, c’est même un excellent outil pour les entreprises jeunes qui rencontrent des déséquilibres passagers (levée de fonds retardée, pivot stratégique, conflit entre associés fondateurs...). Il permet d’agir vite, discrètement et sans stigmatisation.

🟨 Peut-on préparer un mandat ad hoc avec son expert-comptable ou avocat ?

👉 Absolument. Le dossier de demande peut être constitué avec l’aide de son conseil habituel. Il est même recommandé de se faire accompagner pour clarifier les objectifs, formaliser les pièces et identifier un mandataire potentiel à proposer au tribunal.

🟨 Quelle est la durée moyenne d’un mandat ad hoc ?

👉 Il n’existe pas de durée légale maximale. En pratique, un mandat dure entre 3 et 9 mois, par tranches renouvelables. Certains dossiers complexes peuvent s’étaler sur un an ou plus, selon la nature des négociations.

🟨 Qui paye le mandataire ad hoc ?

👉 C’est l’entreprise elle-même et donc son dirigeant qui paie le mandataire ad hoc. Sa rémunération est fixée librement par le président du tribunal lors de sa désignation, souvent sur proposition du mandataire lui-même. Elle dépend de plusieurs facteurs : la complexité de la situation, la durée estimée de la mission, les enjeux financiers, et parfois les capacités de paiement de l’entreprise. Le montant est généralement forfaitaire ou calculé à l’heure, mais il peut être négocié en amont entre l’entreprise et le professionnel pressenti.

Contrairement à certaines procédures judiciaires, aucune aide publique ni mécanisme d’avance n’est prévu — sauf rares cas où un financement externe est mobilisé (ex. : soutien d’un actionnaire ou d’un créancier institutionnel).

🟨 Quelles sont les pièces à fournir pour la demande de mandat ad hoc auprès du tribunal de commerce ?

Le chef d’entreprise doit constituer un dossier de demande adressé au président du tribunal de commerce (ou au tribunal judiciaire pour les professions libérales). La demande doit être accompagnée des documents suivants :

  • Un extrait Kbis (ou D1 pour les artisans) datant de moins de 3 mois ;
  • Une requête écrite motivée, signée par le représentant légal, expliquant les difficultés rencontrées et les objectifs du recours au mandat ad hoc ;
  • Un état détaillé des dettes et des créances (avec montant, échéances, créanciers identifiés) ;
  • Un échéancier des dettes à court et moyen terme ;
  • Les comptes annuels du dernier exercice approuvés (bilan, compte de résultat, annexes) ;
  • Un tableau de financement, précisant les besoins et ressources de trésorerie ;
  • Une situation de trésorerie récente, ou à défaut un plan de trésorerie prévisionnel ;
  • L’état actif et passif des sûretés, précisant les garanties accordées aux créanciers (nantissements, hypothèques, cautions, etc.) ;
  • La situation de l’actif réalisable et disponible (fonds de roulement, stocks, créances clients…) ;
  • Une liste des principaux créanciers, avec montants dus et enjeux associés ;
  • Une attestation sur l’honneur certifiant que l’entreprise n’est pas en état de cessation des paiements à la date de la demande ;
  • Le cas échéant, une proposition de nom pour le mandataire ad hoc (facultatif, à la discrétion du dirigeant).

Après réception, le président du tribunal convoque le dirigeant pour un entretien confidentiel, sans contradictoire, afin d’analyser la situation, comprendre les difficultés, et mesurer la pertinence du mandat. Si la demande est jugée fondée, le président rend une ordonnance de nomination du mandataire ad hoc. Aucune publication légale n’est faite, conformément à la confidentialité de la procédure.

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