L’affacturage, ou factoring, est devenu une solution "incontournable" pour les entreprises en recherche d’optimisation de leur trésorerie. Mais derrière cette pratique, bien plus qu’un simple outil financier, se cache une architecture juridique complexe et solide, garante de la sécurité des parties prenantes. Nous allons explorer les bases juridiques de l’affacturage, de sa définition légale à ses implications contractuelles.

Pour traiter le sujet des fondements juridiques de l’affacturage, il est essentiel d’explorer ses origines, ses bases légales, son encadrement par la jurisprudence, et les évolutions qui ont permis son adaptation aux besoins économiques modernes. Cette analyse permet de comprendre comment cette pratique, bien que d’inspiration anglo-saxonne, s’inscrit profondément dans le droit civil français.

Généralités sur l’affacturage

L’affacturage est fondé sur une convention entre une entreprise, appelée adhérent, et un établissement de crédit spécialisé, appelé affactureur. Par cette convention, l’adhérent transfère ses facturations commerciales au factor en échange d’un règlement anticipé.

Ce dernier prend également en charge le recouvrement des créances et assume les risques de non-paiement. Cette opération s’inscrit dans le cadre général du monopole bancaire et est soumise aux réglementations applicables en matière de crédit et d’usure.

Définition du fondements juridiques de l'affacturage

Malgré son utilisation généralisée, l’affacturage n’est pas spécifiquement réglementé par une législation dédiée. Cependant, il s’appuie sur des articles clés du Code civil, tels que l’article 1346 relatif à la subrogation personnelle, qui permet un transfert des créances simplifié et sûr. Cette méthode est préférée à la cession de créance de droit commun, qui reste plus lourde en formalités, bien que simplifiée par la réforme du droit des contrats de 2016.

Définition et cadre légal de l’affacturage

Définition du fondements juridiques du factoring

L’affacturage repose sur un contrat par lequel une entreprise cède ses créances commerciales à un établissement financier, appelé factor, en échange d’un financement anticipé. En France, cette pratique est régie principalement par les dispositions du Code civil, notamment celles relatives à la cession de facturations, ainsi que par le Code de commerce.

La base juridique de l’affacturage est la cession de créances professionnelles, définie par l'article 1321 du Code civil.

Cette cession implique trois acteurs principaux, l'affacturage repose également sur les articles 1249, 1250, 1251 et 1346 du Code Civil :

  • le cédant (l’entreprise),
  • le cessionnaire (le factor),
  • le débiteur (le client de l’entreprise).

La loi encadre minutieusement cette relation afin de protéger les droits de chaque partie.

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Le fondement juridique de l'affacturage

L’affacturage puise ses bases dans deux concepts clés du droit français : la subrogation de paiement et la cession de créance. La subrogation, prévue aux articles 1249 à 1251 du Code civil, permet le transfert des droits liés à une créance d’une partie à une autre. Dans ce cadre, la société d’affacturage devient titulaire de la créance initialement détenue par l’entreprise, lui conférant ainsi le droit de recouvrer le montant auprès du débiteur.

Parallèlement, la cession de créance, codifiée dans le Code monétaire et financier et inspirée de la cession Dailly, instaure un mécanisme sécurisé pour transférer une créance tout en respectant des formalités légales strictes, notamment pour garantir son opposabilité aux tiers. Ces deux notions, renforcées par une jurisprudence abondante, constituent le socle juridique sur lequel repose cette opération financière.

Les conditions de réalisation de l’affacturage

La convention d’affacturage constitue l’instrument principal encadrant cette opération. Elle inclut souvent une clause d’exclusivité ou de globalité, obligeant l’affacturé à céder l’ensemble de ses créances à l’affactureur. Ce dernier conserve néanmoins le droit de rejeter certaines créances, dans la limite de l’abus de droit. En contrepartie de ses services, l’affactureur perçoit une double rémunération : une commission d’affacturage, proportionnelle aux créances cédées, et une commission de financement si une avance de fonds est accordée.

La subrogation personnelle est le mécanisme juridique central utilisé pour transférer les créances de l’affacturé à l’affactureur. Ce transfert implique deux conditions : une manifestation expresse de la volonté de l’adhérent, généralement matérialisée par une quittance subrogative, et un paiement concomitant de la créance par l’affactureur. Ce procédé garantit la sécurité juridique de l’opération tout en réduisant les formalités administratives.

L’évolution juridique et internationale de l’affacturage

L’introduction officielle du terme "affacturage" en France remonte à l’arrêté du 29 novembre 1973. Cette reconnaissance marque une étape importante dans la formalisation de cette pratique, jusque-là perçue comme une adaptation du factoring anglo-saxon. Depuis lors, la jurisprudence française a joué un rôle majeur en précisant les contours du contrat d’affacturage. Elle a notamment clarifié les droits et obligations des parties, encadré les clauses contractuelles et assuré une protection efficace contre les abus, comme les tromperies sur la qualité des créances cédées.

L’encadrement des sociétés d’affacturage reflète également cette volonté de sécuriser la pratique. Régies par la loi bancaire de 1984, elles doivent respecter des normes prudentielles strictes, notamment les ratios de couverture imposés par les accords de Bâle. Ces obligations garantissent leur solidité financière et leur capacité à gérer les risques associés aux créances qu’elles acquièrent.

Sur le plan international, la convention d’Ottawa de 1988 a permis d’harmoniser les règles de factoring entre les pays signataires. En vigueur en France depuis 1995, elle vise à uniformiser les dispositions relatives à la validité des cessions de créances tout en respectant le principe de subsidiarité, laissant aux parties la possibilité de déroger aux règles communes par accord mutuel. Toutefois, l’absence de ratification par certains pays comme les États-Unis ou l’Angleterre limite encore son application.

Les évolutions récentes, telles que celles introduites par la loi PACTE en 2019, montrent une volonté accrue d’adapter l’affacturage aux nouveaux enjeux économiques. Cette loi a notamment officialisé le reverse factoring, une variante destinée à accélérer les paiements fournisseurs des administrations publiques. En facilitant la cession de créances avec l’accord des vendeurs, ce dispositif modernise la gestion des flux financiers et soutient les entreprises dans un contexte de délais de paiement souvent longs.

Enfin, l’adoption croissante d’outils numériques, des factures électroniques et de logiciels juridiques dans le domaine de l’affacturage reflète une transformation profonde de cette pratique. Ces solutions permettent d’automatiser la gestion des contrats, de réduire les risques d’erreurs et d’assurer une traçabilité parfaite des opérations. Elles s’inscrivent dans une logique de conformité accrue, notamment au regard des réglementations sur la protection des données.

Les caractéristiques du contrat d’affacturage

Le contrat d’affacturage est un contrat synallagmatique, engageant les deux parties dans une relation équilibrée. Voici ses principales caractéristiques juridiques :

  • Nature du contrat : il s’agit d’un accord commercial qui n’est pas spécifiquement réglementé par une loi unique, mais encadré par le droit commun des contrats et les usages commerciaux.
  • Obligations du factor : le factor s’engage à financer les créances cédées, à assurer leur gestion administrative et, dans certains cas, à garantir le risque d’insolvabilité des débiteurs.
  • Obligations de l’entreprise : le cédant garantit que les créances sont réelles, incontestées et exigibles. Il doit également informer ses débiteurs de la cession.

La cession de créances : un mécanisme clé

La cession de créances est le cœur juridique de l’affacturage. Elle est réalisée selon des formalités précises, qui varient selon le type d’affacturage :

  • Affacturage classique : le débiteur est informé de la cession (cession notifiée), ce qui le contraint à payer directement le factor.
  • Affacturage confidentiel : la cession n’est pas notifiée au débiteur, permettant à l’entreprise de continuer à gérer la relation commerciale.
Bon à savoir L'article L.313-23 du Code monétaire et financier simplifie les formalités liées à la cession de créances professionnelles, en permettant leur transfert par simple inscription dans un bordereau.

Les garanties juridiques offertes par l’affacturage

L’affacturage présente plusieurs mécanismes juridiques qui assurent la protection des parties :

  • La clause de réserve de propriété : si les marchandises livrées ne sont pas payées, l’entreprise conserve un droit prioritaire sur ces biens.
  • La subrogation conventionnelle : le factor, en acquérant les créances, est subrogé dans les droits de l’entreprise cédante vis-à-vis des débiteurs.L’affacturage repose sur le mécanisme de la subrogation, c’est-à-dire le transfert d’un droit de créance détenu par une entité (le subrogeant, généralement l’entreprise qui a émis la facture) sur un débiteur (le client acheteur) à un tiers bénéficiaire (le subrogataire, qui est ici la société d’affacturage).
  • Garantie du risque d’insolvabilité : dans le cadre de l’affacturage sans recours, le factor prend à sa charge le risque d’impayés.

Les défis juridiques de l’affacturage international

Dans le contexte de la mondialisation, l’affacturage s’étend souvent aux transactions internationales. Ce type d’opération soulève des questions juridiques très spécifiques.

Conflits de lois : quel droit appliquer en cas de cession entre une entreprise française et un débiteur étranger ?

  • Convention d’UNIDROIT : la Convention d’Ottawa de 1988, ratifiée par plusieurs pays, établit un cadre international pour la cession de créances dans l’affacturage.
  • Respect des réglementations locales : certains pays imposent des restrictions à la cession de créances ou à l’intervention d’un factor étranger.

Les enjeux de conformité et de transparence

L’affacturage doit également se conformer à des règles de transparence et de lutte contre le blanchiment d’argent. Les factors sont soumis à des obligations strictes en matière de vérification de l’identité des parties et de déclaration des opérations suspectes, en vertu des réglementations anti-blanchiment (AML).

Bon à savoir Un règlement (UE) 2024/1624, également connu sous le nom d’« AMLR6 », vise à prévenir l’utilisation du système financier à des fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Ce texte harmonise les règles de lutte contre ces processus suspects (LBC-FT) à l’échelle de l’Union européenne et établit des dispositions directement applicables au secteur privé.

Sur le reverse factoring

L’affacturage inversé, ou reverse factoring, a été intégré dans la loi PACTE* avec pour objectif de faciliter et d'accélérer les paiements aux fournisseurs par les administrations publiques, souvent confrontées à des délais de règlement structurellement longs.

Cette loi prévoit que, sur demande d’une administration publique, un établissement financier, tel que :

  • un établissement de crédit,
  • une société de financement, ou
  • un fonds d'investissement alternatif (FIA),

peut financer de manière anticipée les créances dues aux fournisseurs de cette administration. Ce mécanisme repose sur une cession de créance ou une subrogation conventionnelle, et nécessite l’accord préalable du fournisseur concerné. La loi PACTE du 22 mai 2019, par son article 106, encadre cette procédure tout en précisant que ces opérations n’entravent en rien les contrôles effectués par les comptables publics dans le cadre des réglementations budgétaires et comptables en vigueur.

Extrait de l'article 106 :

  • I. Les acheteurs mentionnés à l'article L. 1210-1 du code de la commande publique peuvent, avec l'accord du fournisseur, solliciter un établissement de crédit, une société de financement ou un FIA mentionné à l'article L. 313-23 du code monétaire et financier pour assurer le paiement anticipé de certaines factures. La cession des créances se fait via une subrogation conventionnelle.
  • II. La mise en œuvre de cette faculté ne limite pas les contrôles réalisés par les comptables publics conformément aux dispositions relatives à la gestion budgétaire et comptable publique.

Ainsi, cette disposition légale renforce la trésorerie des fournisseurs, tout en optimisant la gestion financière des administrations publiques.

Sur les fondements des sociétés d'affacturage

  • Les sociétés d’affacturage, en leur qualité d’établissements financiers, sont tenues de se conformer aux exigences légales en matière de ratios de couverture et de répartition des risques, tels que les ratios McDonough ou les dispositions des Accords de Bâle II.
  • Elles sont également placées sous la supervision stricte de la Commission bancaire, garantissant ainsi la stabilité et la conformité de leurs opérations.
  • L’affacturage est une activité bancaire proposée par des établissements de crédit spécialisés, régie par la loi bancaire du 24 janvier 1984.
  • Les sociétés d’affacturage, également appelées factors, disposent d’un agrément et sont affiliées à l’Association française des sociétés financières (ASF), qui regroupe les acteurs spécialisés de la finance.

L’affacturage, bien qu’orienté vers des objectifs financiers, repose sur des fondements juridiques robustes, qui en assurent la sécurité et la transparence. Pour les entreprises, comprendre ces aspects est essentiel pour tirer pleinement parti de cet outil tout en minimisant les risques. Dans un contexte économique en constante évolution, l’affacturage se distingue comme une solution flexible et juridiquement encadrée, capable d’accompagner les entreprises dans leurs défis de trésorerie, aussi bien au niveau national qu’international.

FAQ sur le droit de l'affacturage

1. Qu'est-ce que le droit de l'affacturage ?

Le droit de l’affacturage est un cadre juridique précis qui sécurise les relations entre l’entreprise cédante, le factor et le débiteur, tout en régulant les pratiques du secteur pour garantir la transparence et la protection des parties. Il joue un rôle essentiel dans la fiabilité de cette solution de financement, tant au niveau national qu’international.

La cession de créances professionnelles :

L’affacturage repose juridiquement sur la cession de créances, un mécanisme prévu par l’article 1321 du Code civil en France. Cela permet au cédant de transférer ses droits de créances au factor, qui devient le nouveau créancier vis-à-vis des débiteurs.

En droit français, la cession peut se faire :

  • Avec notification : le débiteur est informé et doit payer directement le factor.
  • Sans notification (affacturage confidentiel) : le débiteur continue de régler l’entreprise, qui reverse les fonds au factor.

Le cadre légal en France :

La loi bancaire du 24 janvier 1984 définit l’affacturage comme une opération bancaire, encadrée par des règles spécifiques. Les modalités pratiques de cession de créances sont simplifiées par le Code monétaire et financier, notamment via l’article L.313-23, qui autorise l’utilisation d’un bordereau Dailly pour formaliser la cession.

2. L’affacturage de dettes est-il légal ?

Oui, l'affacturage de dettes est tout à fait légal, tant qu'il est pratiqué dans le respect des cadres juridiques et réglementaires en vigueur. Cependant, il est important de bien comprendre ce que recouvre ce terme, car il existe plusieurs types d'affacturage et de modalités qui peuvent influencer sa légalité.

Le cadre juridique général de l'affacturage

L'affacturage repose sur la cession de créances commerciales, un mécanisme reconnu et encadré par le Code civil (article 1321) et le Code monétaire et financier (articles L.313-23 et suivants). Cette pratique est légale et fréquemment utilisée pour optimiser la trésorerie des entreprises.

Affacturage de dettes vs créances commerciales

Affacturage de facturations commerciales : légalement reconnu, il consiste à céder des factures ou des créances dues par des clients (débiteurs) à une société de factoring.

Affacturage de dettes (reverse factoring) : cette forme spécifique, souvent appelée affacturage inversé, implique que l’entreprise (le débiteur) demande à un factor de régler par anticipation les factures dues à ses fournisseurs.

3. L’affacturage est-il une véritable vente ?

L’affacturage n’est pas une véritable vente au sens classique du terme, mais plutôt une cession de créances commerciale. Bien qu’il implique un transfert des droits de créance d’une entreprise (le cédant) vers un factor (l'affactureur), ses spécificités juridiques et financières le distinguent d’une vente classique.

Pourquoi l’affacturage n’est pas une vente classique ?

Une vente implique le transfert de la propriété d’un bien ou d’un droit en contrepartie d’un prix. Dans l’affacturage, il s’agit d’un mécanisme particulier de cession de créances, encadré juridiquement par :

  • L’article 1321 du Code civil pour la cession de créances.
  • L’article L.313-23 du Code monétaire et financier pour les créances professionnelles.

Contrairement à une vente de marchandises ou de biens tangibles :

  • Ce qui est transféré, ce sont les droits de créance (droit de réclamer un paiement) sur un débiteur, et non un bien matériel.
  • Le factor n’acquiert pas forcément la totalité de la créance si certaines conditions (litiges, impayés, etc.) s’appliquent.
  • Le paiement anticipé par le factor n’équivaut pas toujours à la valeur nominale de la créance, car des frais, des intérêts ou une retenue de garantie peuvent être appliqués.

Nature juridique de l’affacturage : cession ou subrogation

L’affacturage peut prendre deux formes principales :

  • Cession de créances : l’entreprise cédante transfère les droits sur ses factures au factor, qui devient le nouveau créancier. Ce transfert s’apparente à une vente, mais ne répond pas totalement à sa définition stricte en droit civil.
  • Subrogation conventionnelle : le factor règle le fournisseur et se substitue à lui dans ses droits contre le débiteur.

Dans les deux cas, l’opération est plus proche d’un transfert de droit que d’une vente classique.

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